Le Maroc a pour régime politique une monarchie constitutionnelle dont le souverain actuel est le roi Mohammed VI, de la dynastie alaouite, établie depuis 1666 et l'une des plus anciennes du monde contemporain[réf. nécessaire]. Le Maroc est membre des organisations suivantes : Organisation des Nations unies, Ligue arabe, Union du Maghreb arabe, Francophonie, Organisation de la conférence islamique, Groupe des 77, Union pour la Méditerranée, Communauté des États sahélo-sahariens. Le Maroc est le seul pays africain à ne plus faire partie de l'Union africaine, mais peut bénéficier des services de cette organisation tels que les services de la banque africaine de développement. En 1987, le Maroc a tenté, sans succès, d'adhérer à la CEE, et s'est vu octroyer en 2008 un « statut avancé » auprès de l'UE8. Le 15 mai 2009, il a rejoint le Centre Nord-Sud du Conseil de l'Europe9. En juin 2004, en reconnaissance des liens étroits qui unissent les deux pays et en appréciation du soutien résolu du Maroc à la guerre contre le terrorisme, le président des États-Unis désigna le Maroc comme l'un des alliés majeurs hors-OTAN10.
Selon l'historien Bernard Lugan, c'est entre autres l'attrait des richesses provenant du commerce du Sud (Sahara) vers le Nord (l'Occident) qui va attirer les convoitises de diverses tribus avec pour ville carrefour Marrakech qui deviendra naturellement la capitale de diverses dynasties, en particulier celles venant du Sud (Almoravides, Almohades, Saadiens) ; toute l'histoire du Maroc (des Idrissidesaux Alaouites) est ainsi marquée par le commerce des richesses du Sud vers le Nord. L'histoire et l'origine du Maroc furent, sont et seront marquées par le lien avec le Sahara11.
Toponymie
Le Maroc se dit en berbère lmruk (ⵍⵎⵔⵓⴽ en tifinagh), nom qui dérive de la prononciationAmur n'wakuc (« Amour » qui signifie « pays » et « Akouch » qui veut dire « Dieu » ce qui donne la « Terre de Dieu » ou la « Terre sainte »)12. Une autre étymologie donne l'interprétation de « terre de parcours13. » C'est aussi ce mot qui a donné le nom deMarrakech14.
Le Maroc se dit en arabe al-Maghrib (المغرب), ce qui signifie « le couchant » ou « l’Occident15 » (littéralement : « le Maghreb »).
Ce même mot, en arabe, désigne aussi le Maghreb au sens large16 ; aussi, lorsqu'il est nécessaire de préciser, on nomme le Maroc al-Maghrib al-’aqṣaą (المغرب الاقصى), signifiant « le Couchant lointain » ou « l’Extrême-Occident », et on désigne le Maghreb par al-Maghrib al-°arabiy (المغرب العربي), soit « l'Occident arabe ».
Le nom français Maroc dérive quant à lui de la prononciation portugaise de Marrakech,Marrocos, ville du centre du pays fondée en 1062 et qui fut la capitale de trois dynasties (celle des Almoravides, des Almohades et des Saadiens). De cette prononciation dérivent également Marruecos (en espagnol), Marocko (en suédois), Morocco (en anglais), etMarokko (en allemand, norvégien et néerlandais), les Persans l’appelant eux Marakech. LesTurcs l’appellent Fas qui vient du nom de l’ancienne capitale du Maroc sous les dynastiesmérinide, wattasside et alaouite (avant 1912), Fès. Dans l’Antiquité, les Grecs appelaient les habitants de la région les Maurusiens. À partir de cette appellation, la région composée du Maroc et de l'Algérie occidentale fut connue sous le nom de Maurétanie (à ne pas confondre avec la Mauritanie). La région fut par la suite divisée en deux Maurétanies provinces par lesRomains : la Maurétanie Tingitane avec Volubilis pour capitale (ancienne cité berbère d'Oulil) et la Maurétanie Césarienne avec Cesarea (Tipaza) pour capitale (centre et ouest de l'Algérie). Le Maroc était le pays où les Grecs anciens situaient le mythique jardin des Hespérides.
Le Maroc était connu sous le nom de Royaume de Marrakech sous les trois dynasties qui avaient cette ville comme capitale, puis sous le nom de Royaume de Fès sous les dynasties qui résidaient à Fès. Sous la dynastie des Alaouites, le Maroc était également appelé Empire chérifien. Cette appellation, très utilisée avant 1956, l'est restée de nos jours en référence au souverain alaouite, descendant du prophète de l'islam Mahomet, qualifié de « cherif » c'est-à-dire noble. Au xixe siècle, les cartographes européens mentionnaient toujours un « Royaume de Maroc » en en indiquant l'ancienne capitale « Maroc » (pour Marrakech). À l'indépendance, le pays prit le nom officiel de Royaume du Maroc et le sultan Mohamed ben Youssef en devint le roi sous le nom de Mohamed V.
Histoire
Fondation du Maroc
La fondation du Maroc, pays se considérant arabo-berbère, africain et musulman, se fait avec les Idrissides qui allièrent à leur cause diverses tribus contrôlant des petits royaumes ou territoires indépendants de tout pouvoir central. Au fur et à mesure des alliances, les Idrissides vont étendre leur influence territoriale avec des populations autochtones et lancer les bases de l'organisation d'un État constitué (Makhzen) reprises par les dynasties suivantes. Si les Idrissides vont commencer à dessiner les bases de l'État et des frontières de l'actuel Maroc ce sont les Almoravides qui en créant leur capitale Marrakech donneront au pays son nom (le nom Maroc est due à déformation linguistique française de Marrakech) ; ils consolideront et élargiront l'œuvre débutante et fragile des Idrissides ; les dynasties suivantes hériteront de l'expérience étatique précédente.
Même si d'autres civilisations du bassin méditerranéen (Rome, Carthage etc.) ont enrichi l'histoire du pays et même, si des populations de l'actuel Maroc vont participer à l'essor de ces civilisations, les historiens du Maroc les considèrent comme appartenant à des puissances étrangères, de surcroît non musulmanes, point important dans la définition du pays.
À partir des Idrissides, les dynasties qui suivirent et qui durent, elles aussi, établir des alliances avec des tribus de l'actuel Maroc, seront considérées comme marocaines par les historiens.
À l'époque des Idrissides, le Maroc s'appelle le Royaume de Fez. À propos du Maroc, le terme Empire est parfois utilisé car par définition, un empire est un ensemble d'États ou de royaumes (voir les différentes cartes du Maroc). Ceci explique l'appellation « villes impériales » utilisée encore de nos jours pour qualifier les villes de Fès, Marrakech, Meknèset Rabat17.
Lorsque le Maroc se fonde, le reste du Maghreb est éclaté sous forme de royaumes ou territoires indépendants, parfois concurrents ou en guerre, sans pouvoir central c'est-à-dire non organisés en État dirigé par des populations autochtones. L'organisation en État organisé permit aux Saadiens et aux Alaouites de s'opposer à l'avancée ottomane[réf. nécessaire] qui s'arrêta à la Moulouya et qui s'étendait sur une grande partie des autres pays arabes actuels.
Des désaccords apparus au début du xxe siècle dans la famille alaouite et dans le Makhzen plus globalement à la suite de problèmes de gestion du pays, créèrent une période d'instabilité (comme le Maroc en connut dans le passé) dont vont profiter plusieurs puissances coloniales (Allemagne, Angleterre, Espagne, France) pour essayer de s'emparer du pays qui possède entre autres une position géostratégique intéressante, à la veille de la Première Guerre mondiale. Après bien des tractations houleuses et secrètes qui faillirent déclencher dès 1912 la Première Guerre mondiale, le Maroc fut partagé entre la France et l'Espagne.
Préhistoire et Protohistoire
Les premières traces d'une présence d'hominidés sur le territoire marocain datent d'environ 700 000 ans. De cette période diteacheuléenne, on a retrouvé un certain nombre d'outils, notamment dans la plaine de la Chaouïa et plus précisément à proximité immédiate de l'agglomération casablancaise. Outre l'outillage, on a découvert un certain nombre de fragments humains notamment dans les carrières Thomas, près de Casablanca (mandibules, maxillaires et fragments crâniens d'Homo erectus)18. De l'époquemoustérienne (120 000 à 40 000 ans BP), le site le plus explicite est celui de Jbel Irhoud situé à mi-chemin entre les villes deMarrakech et de Safi et où ont été découverts deux crânes d'hominidés, des outils associés à l'industrie levalloiso-moustérienne ainsi que d'importants restes d'animaux aujourd'hui disparus.
L'époque atérienne (60 à 40 000 ans BP19) a apporté son lot d'outils pédonculés retrouvés dans de nombreuses grottes situées sur le littoral atlantique (Dar Soltane 2)20. Néanmoins cette période a surtout été marquée par de profonds bouleversements climatiques ayant entrainé une désertification sans précédent du territoire marocain ainsi que la raréfaction voire la disparition d'un grand nombre d'espèces animales et végétales. Cette dynamique a cependant été contrecarrée par le rempart naturel que constituent les chaînes de l'Atlas et du Rif, que ce soit au Maroc ou dans le reste du Maghreb.
L'arrivée dHomo sapiens au Maghreb avant l'Épipaléolithique a été démontrée puisque les industries atériennes ne sont pas l'œuvre de l'homme de Néandertal, dont l'aire de répartition est exclusivement eurasiatique, mais bel et bien dHomo sapiens présentant des caractéristiques archaïques.
Il y a environ 21 000 ans, la civilisation ibéromaurusienne voit le jour. Elle se caractérise par des rites funéraires plutôt évolués et par un raffinement de l'outillage utilisé. Néanmoins, il n'est pas encore question d'agriculture. La grotte de Taforalt dans la région d'Oujdacorrespond au plus grand gisement de l'époque. Cette civilisation se maintient et se répand sur l'ensemble du Maghreb avant de se métisser progressivement vers le neuvième millénaire avant notre ère avec les populations capsiennes, ancêtres des Berbèresmodernes. Les premiers éléments découverts correspondant à cette période (Néolithique) datent d'environ 6 000 ans. Ceux-ci témoignent d'une sédentarisation déjà avancée ainsi que d'une maîtrise relative des techniques agricoles.
Maroc antique
À partir des années -3000 se développe au Maroc la culture campaniforme. Dès lors le Maroc entre dans l'âge du bronze et on assiste à la diffusion d'une céramique noire spécifique dont la présence est attestée dans un certain nombre de sépultures de la régionrifaine.
À partir du xie siècle av. J.-C., les hardis commerçants phéniciens venus du Liban actuel atteignent les côtes marocaines et notamment la côte atlantique. Ils fondent de nombreux comptoirs qui serviront de bases à de nombreuses cités romaines puis arabes (dont les principaux furent Tingis et Lixus, actuelles Tanger et Larache). Au passage, c'est à cette période déjà que l'on date les toutes premières installations de populations juives au Maroc.
L'autonomie progressive de Carthage profite aux comptoirs phéniciens fondés sur les côtes marocaines dans la mesure où ils seront davantage mis en valeur du fait de la proximité relative avec la nouvelle capitale de l'empire punique. L'influence de la civilisation carthaginoise se fait grandement sentir auprès des populations indigènes dont l'organisation s'améliore parallèlement. Ainsi les tribus berbères se fédèrent progressivement, fondant des royaumes cohérents dont le premier sera le royaume de Maurétanie d'abord confiné dans le nord-ouest de l'actuel Maroc, et dont les souverains portent le titre d'Aguellid à l'instar des rois de Numidie. Le sud du pays est occupé par les Gétules et l'est par les Numides.
Du fait du soutien apporté par la Maurétanie à l'Empire romain lors de la destruction de Carthage, il se nouera une étroite amitié entre les deux États (d'où l'éviction du chef numide Jugurtha). Le roi Bocchus se voit même décerné le titre d'Ami du Peuple par le Sénat romain et gagne l'amitié du consul Caius Marius. Sous le règne de Juba II la Maurétanie devient un royaume vassal, réputé pour ses exportations de pourpre et de produits maritimes, assez riche pour tailler sa propre monnaie d'or. Une brillante civilisation urbaine se développe, influencée à la fois par l'héritage carthaginois et par les courants artistiques de la Grèce antique et de l'Égypte antique. De telles influences sont sans doutes dues au mécénat de la propre épouse de Juba II, la reine Cléopâtre Séléné, qui n'est autre que la fille de Marc Antoine et de Cléopâtre VII. Mais cette richesse attise la convoitise de Rome, et Ptolémée de Maurétanie, fils et successeur de Juba II, va en subir les conséquences.
Lors d'une invitation de Ptolémée à Rome, le dernier roi maurétanien est assassiné par l'empereur Caligula, ce qui entrainera après deux années de troubles une annexion de la Maurétanie (42 ap. J.-C.) que l'on désignera dès lors sous le nom de Maurétanie Tingitane, décrétée officiellement province impériale par l'empereur Claude Ier. Là encore, seul le nord de l'actuel territoire marocain est effectivement sous contrôle romain, le reste du territoire restant aux mains de tribus indépendantes. Les Romains fondent une cité prospère à Volubilis (non loin de l'actuelle Meknès). Néanmoins la capitale administrative demeurera Tingis, future Tanger, siège duprocurateur, le gouverneur de la province, de rang militaire et appartenant à l'ordre équestre (chevalier romain). Durant toute cette période une grande autonomie est accordée aux différentes tribus (comme en témoignent les fameuses tables de Banasa), mais la constante pression des peuplades méridionales puis les crises internes à l'Empire auront progressivement raison de la Maurétanie Tingitane. Au iiie siècle sous le règne de Dioclétien la province est réduite à la côte nord et à Sala (actuelle Salé). Au cours de l'occupation romaine les cités, colonies de droit romain ou latin, se dotent de monuments civiques et utilitaires (temples, forums, basiliques, arcs de triomphe, thermes, et même théâtre à Lixus) et de résidences privées ornées d'œuvres d'art (sculptures, mosaïques) et destinées à l'élite maure romanisée. Les plaines cultivées sont partagées par l'aristocratie locale, qui s'enrichit notamment de l'exploitation de l'olivier dont les produits sont exportés dans les provinces voisines. Les terrains de parcours plus lointains sont laissés aux tribus nomades ou semi-nomades. Les ports de Tingis et de Sala connaissent une intense activité commerciale.
Les autorités recrutent des auxiliaires militaires parmi les Maures, destinés à servir notamment dans la cavalerie. Le plus célèbre d'entre eux, Lusius Quietus, fils du chef d'une grande tribu nomade des confins du Rif et des monts de l'Atlas, réalise une brillante carrière sous le règne de Trajan. Au nom de l'Empire, il combat les Daces et les Parthes, et conquit l'Arménie, la Médie et laBabylonie, puis pacifie la Judée en proie aux révoltes anti-romaines. Le prestige de Lusius Quietus devient tel qu'il est même envisagé pour monter sur le trône impérial à Rome en lieu et place d'Hadrien.
En 429, des tribus vandales originaires de Germanie traversent le détroit de Gibraltar mais dans leur imperturbable course vers ce qui demeurait de la mythique Carthage, ils ne contrôlent guère que le littoral méditerranéen, se désintéressant totalement de l'intérieur des terres. Un siècle plus tard, les Byzantins commandés par le général Bélisaire, désireux d'anéantir le royaume vandale pacifieront le nord du territoire, désenclavant par la même occasion les tribus maures du reste du pays. Le gouvernement de Constantinople sousJustinien Ier crée la province de Maurétanie Seconde, qui regroupe Tanger, Ceuta, Lixus et l'extrême sud de l'Hispanie, l'ensemble étant administré par un exarque et par des comes (comtes). Cette occupation byzantine perpétuellement menacée par les Goths au nord et par les Berbères au sud, va cependant subsister jusqu'à la conquête arabo-islamique.
Rôle des tribus au cours de l'histoire du pays
Comme dans l'histoire de très nombreuses nations à travers le monde, aucune dynastie marocaine (des Idissides aux Alaouites) ne pourra s'imposer par elle-même. Toutes devront, pour étendre et asseoir leur influence géographique sur des périodes plus moins longues, passer des alliances (intéressées, religieuses, maritales, forcées, pacifiques ou négociées) avec les différentes autres tribus musulmanes et parfois juives du pays. L'islam sera le principal ciment entre les différentes tribus qui composent le royaume mais ses interprétations feront naitre des conflits. Le fait que certaines dynasties se soient réclamées chérifiennes ne sera pas un atout suffisant à leur persistance.
Le Maroc restera longtemps un pays fortement tribal cela même après l'indépendance du pays en 1956. C'est la raison pour laquelle, de nos jours encore, les représentants des différentes tribus du pays continuent à réitérer leur allégeance au Roi au cours de la fête annuelle du Trône. Compte tenu des dissensions familiales et des luttes de pouvoir au sein des différentes dynasties marocaines successives tous les membres (sans exception) de la famille royale sont également tenues de prêter allégeance au Roi. Cette fête du Trône a pour but de souder et de rappeler le lien entre le monarque et le peuple en particulier à des moments difficiles de l'histoire du pays.
Royaume de Sijilmassa (758-1055)
Un émirat fondé par les Zénètes émerge dans la région du Tafilalet à partir de 758. Dirigé par la dynastie des Midrarides (dont le fondateur est Semgou Ibn Ouassoul), il prend pour capitale la cité de Sijilmassa. Ce royaume professe officiellement le kharidjisme de rite sufrite mais finit par reconnaître à partir de 883 la suprématie religieuse du califat sunnite des Abbassides. Les Midrarides se consacrent cependant à maintenir une alliance avec les autres États kharidjites, comme le royaume des Rostémides de Tahert, et à établir un fructueux commerce caravanier de l'or avec le royaume du Ghana, à l'époque maître des plus importants gisements aurifères de l'Afrique de l'Ouest. L'émirat de Sijilmassa atteint ainsi son apogée au ixe siècle grâce à son rôle de plaque tournante du trafic des métaux précieux, et sa renommée s'étend ainsi jusqu'aux pays méditerranéens et au Moyen-Orient. C'est précisément cette position de débouché de l'or africain qui excite les convoitises des Omeyyades et des Fatimides qui s'affrontent pour sa domination. Ce sont finalement les Almoravides qui s'emparent du royaume midraride en 1055. Par la suite, la fondation de Marrakech éclipse définitivement le prestige de Sijilmassa.
De la conquête arabe aux troubles anarchiques
En 649, débute la conquête du Maghreb par les troupes arabes. C'est 35 ans plus tard que ces troupes pénètrent véritablement dans le territoire marocain. Les tribus berbères installées aussi bien dans les contreforts montagneux de l'Atlas et du Rif que dans les fertiles plaines atlantiques soutiendront dans un premier temps les Byzantins installés sur les côtes méditerranéennes qu'ils préféreront aux Arabes notamment à cause d'erreurs diplomatiques. La destruction des installations byzantines aux alentours de l'an 700 aura finalement raison de la résistance berbère qui se convertira dès lors à l'islam apporté par les conquérants arabes. Les berbères du Maroc étaient alors très faiblement christianisés tandis que les populations juives ne se convertirent que très faiblement à l'islam. Par ailleurs, l'islam ne sera dès lors plus jamais contesté au Maroc, contrairement à ce qui a pu se passer en Algérie ou en Tunisie. D'autre part, l'année 708 correspond à l'intégration du Maroc au sein de l'empire des Omeyyades. Dans le sillage des succès marocains, les armées arabes traverseront le détroit de Gibraltar sous le commandement de Tariq ibn Ziyad et atteindront la Navarre dès 715.
En 740, les tribus berbères adoptent le kharijisme jugé plus proche des principes de « démocratie tribale » que la doctrine omeyyade. Le califat qui refuse cette hérésie se replie, fragilisé depuis Damas par l'irrésistible ascension des Abbassides. Le Maroc connait l'anarchie.
L'histoire des Idrissides est indissociable de la personne d'Idriss Ier, descendant d'Ali et de Fatima, gendre et fille du prophète de l'islamMahomet, qui fuyant les massacres dont était victime son entourage et sa famille vint se réfugier dans le Moyen Atlas, à Volubilis, ancienne cité romaine déchue. Obtenant l'aval des tribus locales, il fonda en 789 la ville de Fès dans la plaine du Saïss dont il fit la capitale de son nouveau royaume, le Maroc, proclamé en 791. Assassiné par un envoyé du calife Haroun ar-Rachid, son fils Idris II lui succède après une régence. Il étend sa capitale ainsi que son royaume et avance au-delà de Tlemcen, pris par son père dès 789 et assujettit de nombreuses tribus Zenata. Son successeur Mohammed fera construire la prestigieuse mosquée Quaraouiyine, une des toutes premières universités de l'Histoire. À cette période, Fès devient un des principaux centres intellectuels du monde arabe et attire d'éminents scientifiques et théologiens. Le royaume du Maroc étend régulièrement ses frontières mais se retrouve menacé par la puissante dynastie des Fatimides à l'est. Indiqués califes de Cordoue au début du xe siècle, les Idrissides subiront également au nord la pression des Omeyyades. En 985, les Fatimides et leurs vassaux d'Algérie poussent les Idrissides à se réfugier en Andalousie.
Dès le milieu du xe siècle, l'affaiblissement des Idrissides du fait non seulement des pressions externes mais surtout des dissensions internes entraine un regain d'activité des grandes tribus berbères qui fondent et conquièrent de nombreuses cités. Les états deSijilmassa dans le sud et de Nekor dans le nord se maintiennent et gagnent de l'ampleur durant cette période.
Royaume des Berghouata (entre les viiie et xe siècles)
Les Barghawata (ou encore Barghwata ou Berghouata) forment un émirat berbère, appartenant au groupe de l'ethnie des Masmoudas. Après que les kharijites ont échoué dans leur rébellion au Maroc contre les califes de Damas, ils établissent (744 – 1058) un royaume dans la région de Tamesna sur les côtes de l’Atlantique entre Safi et Salé sous l’égide de Tarif al-Matghari21. La particularité de cet État est de créer une religion purement berbère, s'appuyant sur un livre saint inspiré du Coran, et dirigé par un gouvernement théocratique fixant les rituels d'un nouveau culte empruntant à la fois à l'islam, au judaïsme et aux antiques croyances locales. Les Barghwata maintiennent leur suprématie dans la région des plaines atlantiques durant quatre siècles, et entretiennent des relations diplomatiques et commerciales avec le califat omeyyade de Cordoue qui voit probablement en eux des alliés potentiels contre les Fatimides et leurs alliés zénètes. Il semble que sur les 29 tribus constitutives de ce royaume, douze aient adopté réellement la religion barghwata, les dix-sept autres étant restées fidèles au kharijisme22,21.
Dynastie idrisside (789-985)
L'histoire des Idrissides commence lorsqu'un prince arabe chiite de la famille de `Ali (quatrième calife de l'islam) et son affranchi Rachid Ben Morched El Koreichi se réfugient dans le Moyen Atlas. Fuyant la menace des Abbassides(qui avaient massacré des Alides et leurs partisans chiites lors de la bataille de Fakh près de la Mecque), ils séjournent en Égypte avant de s'installer àWalilah (Volubilis), sous la protection de la tribu berbère des Awarbas. Réussissant à rallier les tribus à sa cause, Idriss est investi imam et fonde la ville de Fès en 789 sous le nom d'Idriss Ier. C'est le début de la dynastie des Idrissides.
Idris Ier est assassiné par un émissaire du calife abbasside Haroun al-Rachid, un certain Sulayman al Zindhi. Ne se doutant point que la femme d'Idris Ier(Kenza) est enceinte, le maître de Bagdad pense que la menace est vaincue. Mais quelques mois plus tard, Idris II naît. Son éducation a été confiée à l'affranchi de son père Rachid. Onze années plus tard, il est proclamé imam. Au fil des années, sa sagesse et son sens pour la politique s'affirment, il réussit à fédérer plus de tribus, le nombre de ses fidèles s'accroît et la puissance de son armée (dans laquelle s'engagent notamment des Kaisites issus des tribus du nord de la péninsule arabique) se développe. Le royaume idrisside englobe ainsi toute la portion de territoire s'étendant de Tlemcen à l'est jusqu'au Souss au sud. Il semble que la dynastie idrisside, du moins à ses débuts, ait professé le chiisme et plus précisément le zaïdisme, réputé être le plus modéré des rites chiites23.
Se sentant à l'étroit à Walilah, Idriss II quitte l'antique cité romaine pour Fès, où il fonde le quartier des Kairouanais sur la rive gauche (Idris Ier s'était établi sur la rive droite, le quartier des Andalous). Les Kairouanais sont issus de puissantes familles arabes et arabo-perses (du Khorassan) établies en Ifriqya depuis l'époque abbasside. Elles sont expulsées de Kairouan en raison des persécutions politiques infligées par les Aghlabides. Les Andalous qui s'installent à Fès sont quant à eux des opposants aux Omeyyades, originaires des faubourgs cordouans (notamment du faubourg du Rabad, d'où le nom de Rabadis attribué aux éléments de cette première vague d'immigration en provenance d'Al-Andalus)24. Le royaume idrisside connaît de manière générale une importante phase d'urbanisation, illustrée par la création de villes nouvelles comme Salé, Wazzequr et Basra, inspirée de la Bassorah d'Irak. Ces cités sont des foyers de diffusion de culture arabe et des vecteurs d'islamisation. À cette même époque, les Vikings venus de la lointaine Scandinavie et dirigés par le redoutable chef Hasting se signalent par leurs incursions dévastatrices sur les côtes nord du Maroc (notamment dans les régions d'Asilah et de Nador).
En 985, les Idrissides perdent tout pouvoir politique au Maroc et sont massivement exilés en Al-Andalus. Installés à Malaga, ils récupèrent peu à peu leur puissance, au point d'engendrer une dynastie pendant l'époque des taifas, les Hammudites. Ces derniers prétendront même au califat à Cordoue en lieu et place des Omeyyades en 101625.
Incursions d'autres tribus zénètes
Vers 954 et selon Ibn Khaldoun, trois grandes confédérations tribales zénètes26 s'emparent de plusieurs villes et régions du Maghreb el Aksa (appellation arabe du Maroc), à savoir Fès,Oujda (fondée en 994 par le Maghraoui Ziri Ibn Attia), Salé (fondée au cours du xe siècle par les Banou Ifrens, Sijilmassa), ou encore les régions du Souss et du Haouz, et ce consécutivement à l'affaiblissement de la dynastie arabe chérifienne des Idrissides.
Pendant la conquête, les points de vue des Maghraouas, Banou Ifrens et Meknassasdivergèrent provoquant une instabilité sur l'ensemble du territoire. Les diverses tribusmaghraouas étaient tantôt alliées aux Omeyyades tantôt aux Fatimides. Les Banou Ifrensdemeurèrent réfractaires à toute alliance avec les puissances arabes.
Les Fatimides profitent de ces divisions entre les 3 tribus zénètes et envoient les Zirides de l'Ifriqiya pour conquérir le Maghreb el Aksa (le Maroc actuel). Le Ziride nommé Ziri ibn Menadréussit à conquérir une partie du Maroc actuel. En 971, son fils Bologhine ibn Ziri affirme sa souveraineté sur la majorité des villes importantes. Durant cette période, les Berghouatas (confédération tribale masmouda et sanhadja) seront donc attaqués par les Zirides. Les Maghraouas demandent l'aide des Omeyades. Ces derniers acceptent enfin d'aider lesZénètes à reconquérir les territoires, en particulier ceux des Maghraouas de l'ouest du Maghreb. Bologhine ibn Ziri est contraint de reculer devant l'armée omeyade venue d'Andalousie par voie maritime et qui s'installe à Ceuta27. Par la suite, Ziri Ibn Attia desMaghraouas entre en conflit avec les chefs des Banou Ifrens et des Meknassas. Une lutte au pouvoir sera acharnée entre les fractionszénètes. Les Banou Ifrens attaquent les Berghouata et prennent plusieurs fois Fès, place forte maghraoua. Ces derniers rétabliront finalement l'équilibre du Maghreb el Aksa27. Le règne des 3 tribus zénètes s'achèvera par l'arrivée des Hilaliens et des Almoravides vers le XIe siècle en 1059. Les Zénètes seront évincés par les Almoravides du Maghreb el Aksa28. De tout temps, les Zénètes étaient seuls maîtres des routes et du commerce dans la région. Cette période est caractérisée par une certaine prépondérance des pratiques démocratiques tribales, comme ce fut déjà le cas deux siècles auparavant lors des révoltes kharijites29. Les Zénètes ont démontré par leur histoire qu'ils pouvaient négocier avec toutes les tribus au Maghreb. Plusieurs alliances et traités ont été élaborés pendant cette période. La construction s'est développée et plusieurs villes ont connu un véritable essor (construction de mosquée30, de kalaâ, ksours, etc). En 1068, les trois « dynasties » chutent tant à cause du zèle manifeste de certains chefs que du fait de leur détermination à se lancer dans des guerres saintes31.
Meknassa et Maghraoua
Le pouvoir meknassien s'appuie sur son ribat de Taza. Il doit sa puissance presque légendaire à Moussa Ben Abi Elafia Ben Abi Bassil qui parvient à conquérir Fès, Taza, Tanger et Larache en 924, avant de s'emparer, par la suite, d'une part importante des régions marocaines à la suite des allégeances des diverses tribus. Il chasse les Idrissides de leurs positions. Ces derniers se retranchent dans la forteresse de Hisn Hajar Annasr26,32. En 932, ils s'emparent de Tlemcen puis de Tekkour (Haute Moulouya) et sa région. Ils s'allient au calife omeyyade de Cordoue Abd al-Rahman III, mais sont défaits par les Fatimides. En conséquence ils se replient à Guercif, Tekkour et Taza.
On attribue aux Meknassa la construction des forteresses de Taza et de Meknès, ainsi que de la ville de Tsoul (détruite plus tard par les Almoravides).
Vers 954, Selon Ibn Khaldoun, les Zénètes s'emparent de plusieurs villes au Maghreb el Aqsa, comme Fès, Oujda, Salé, Sijilmassa en profitant de l'éclipse politique des Idrissides. Pendant la conquête, les Maghraouas, les Banou Ifrens et les Meknassa ont des points de vue divergents, ce qui provoque une instabilité dans la région.
Les Fatimides désormais installés au Caire profitent de ces divisions entre les trois tribus zénètes et envoient les Zirides de l'Ifriqiyapour conquérir le Maghreb el Aqsa. Le Ziride Ziri ibn Menad réussit à conquérir une partie du Maroc actuel. En 971, son fils Bologhine ibn Ziri affirme sa souveraineté sur la majorité des villes importantes.
Durant cette période, les Berghouata (confédération de tribus Masmoudas et Sanhadja pratiquant une religion particulière, devenue distincte de l'islam) sont donc attaqués par les Zirides. Les Maghraoua demandent donc l'aide des Omeyyades. Bologhine ibn Ziri est contraint de reculer devant l'armée omeyyade venue d'Andalousie par voie maritime, et qui débarque à Ceuta27. Par la suite, Ziri Ibn Attia entre en conflit avec les chefs des Banou Ifrens et des Meknassa. Une lutte au pouvoir acharnée éclate entre les fractions zénètes. Les Banou Ifren attaquent les Berghouata et prennent plusieurs fois Fès aux Maghraouas. Ces derniers rétablissent l'équilibre du Maghreb el Aqsa27. Ces périodes d'instabilité ne permettent à aucune de ces trois tribus de constituer une dynastie durable.
Ifrenides
Régnant sur la région de Tlemcen dès le xe siècle, les Ifrenides, ou Banou Ifren, occuperont presque la totalité du Maroc actuel aux côtés des Maghraouas, vassaux des Omeyyades de Cordoue, et ce jusqu'à l'arrivée des Hilaliens et des Almoravides. Au xie siècle, les Banou Ifren conquièrent le territoire des Berghwata33. Ils restent maitres des régions qu'ils ont conquises et des villes qu'ils ont fondées et exerceront périodiquement le pouvoir à Fès34. Vaincus par les Almoravides dès 1057, ils perdent tout pouvoir pendant le règne de ces derniers. Ce n'est qu’à la chute des Almoravides que les Ifrenides reprendront le contrôle de la région de Tlemcen, mais ils seront de nouveau vaincus par les Almohades et leur territoire conquis par ces derniers. Vers 1437, les Banou Ifren chasseront les Mérinidesdu Maghreb central et établiront de nouveau leur pouvoir à Tlemcen35.
Dynastie almoravide
Alors que le « Maroc utile » est en proie aux convoitises des entités politiques voisines ainsi qu'aux déchirements internes, trois grandes tribus berbères se partagent les régions sahariennes. Les Lemtouna, Massoufa et Goddala (ou Gadala, lointains descendants des antiques Gétules), tous trois membres de la confédération Sanhaja et islamisés deux siècles et demi plus tôt, guerroient et vagabondent régulièrement en direction du sud où ils menacent l'empire du Ghana et d'autres états soudanais. De la tribu Lemtouna, l'émir Yahya Ibn Ibrahim se rend vers 1035 accomplir le pèlerinage à La Mecque. Là bas, il prend conscience de la nécessité de parfaire l'islam de ses congénères des régions de l'Adrar. En halte à Kairouan, il tente pour cela d'obtenir un appui logistique de la part d'éminences religieuses locales, mais sans résultat. Ce sera dans la région de Taroudant qu'un dénommé Ou Agg ben Zellou lui indiqua l'existence d'un prédicateur dans le désert, un certain Abdallah Ibn Yasin originaire du sud marocain. Yahya Ibn Ibrahim et Abdallah Ibn Yasin s'en retournèrent donc tous deux dans l'Adrar convertir les Djoudala (tribu des Lemtouna) aumalékisme puritain. Si au départ leurs enseignements sont plutôt bien accueillis, leur austérité et leurs méthodes radicales (instruments de musique et habits de couleurs vives bannis) finirent par lasser. Yahya Ibn Ibrahim et Abdallah Ibn Yasin errèrent donc dans le désert et s'en allèrent donc fonder un ribat sur l'île de Tidra entre la baie du Lévrier et le cap Timiris. Là ils conceptualisèrent une véritable doctrine qui leur valut le nom d'Almoravides (de Al-murabitun, المرابطون), les gens du ribat.
Le climat d'exaltation mystique qui régnait au couvent militaire attira de nombreux fidèles de toutes les contrées du Sahara occidental et même au-delà. De 1042 à 1052, les Almoravides conquièrent tout l'ouest du Sahara et tournent leurs regard vers le nord. Yahya Ibn Ibrahim fut tué et remplacé par Abu Bakr Ibn Omar. Dès lors l'expansion des Almoravides est irrésistible. Aoudaghost, place forte de l'empire du Ghana et importante étape du commerce transsaharien est prise et détruite. L'année suivante, c'est au tour de Sijilmassa de céder à la pression almoravide et de voir ses maîtres Zénètes impitoyablement exterminés. La même année (1056), Taroudant et leSouss entier se rendent aux envahisseurs. Les Almoravides n'ont alors qu'une idée : soumettre les plaines fertiles du Maroc utile et les intrépides tribus de l'Atlas. Néanmoins, les combats contre les hérétiques Berghouata s'éternisent et s'avèrent plus ardus que prévu.Yahya Ibn Ibrahim est même mortellement blessé et inhumé sur un des affluents du Bou Regreg. Abou Bakr doit alors se rendre à nouveau dans le désert pour mettre fin à des luttes intestines et il confie alors le commandement des terres septentrionales nouvellement conquises à son cousin, un certain Youssef Ibn Tachfin. En 1072, ce dernier empêche le retour d'Abou Bakr et fait dès lors de Marrakech, fondée deux ans plus tôt, sa capitale. La rigueur morale de ces « Voilés » et leur attachement aux valeurs de l'islamattira les nombreux déçus des années du climat d'anarchie ambiant et Youssef Ibn Tachfin constitua sans mal une armée de 20 000 hommes qu'il arma d'arbalètes. Toutefois, la soumission des intrépides tribus Zénètes ne fut pas des plus aisées. Ces derniers se rallièrent même ponctuellement aux élites bourgeoises de Fès et de Tétouan, bien décidées à repousser ces tribus dont le puritanisme était aux antipodes des aspirations de raffinement et de luxe qu'ils avaient importé d'Andalousie. Des villes du nord, Meknès tomba la première, puis ce fut au tour de Fès (1060 ou 1061), des villes du Rif, de Tlemcen (1069) et enfin d'Oujda (1081). Tanger et Ceuta, fiefs de la dynastie hammudite de Malaga ne cédèrent que vers 1084 après un éprouvant siège et subirent de terribles supplices. À l'est, lesAlmoravides avancèrent jusqu'à Alger (Ténès et Oran furent gagnées en 1082).
Alors que dans la brillante Andalousie, les princes musulmans subissaient les premiers revers face aux chrétiens ligués autour de la personne d'Alphonse VI, les extraordinaires prouesses militaires de ces « Voilés » aux mœurs rigides résonnent comme une bénédiction. Al-Muttawakil de la Taifa de Badajoz fait appel aux Almoravides dès 1079. En 1082, c'est au tour d'Al Mutamid Ibn Abbad de solliciter les maîtres du Maroc. En 1086, pour répondre à ces appels et pour enrayer la « décadence » de la civilisation d'Al-andalus (arts florissants, consommation de vin...), Youssef Ibn Tachfin fait embarquer de Ceuta la bagatelle de 7000 cavaliers et 12 000 fantassins. Rapidement, les rois des différentes taifasrallient les armées Almoravides. Les victoires s'enchainent et les armées d'Alphonse VI sont mises en déroutes non loin de Badajoz le 23 octobre 1086. Youssef Ibn Tachfin rentre au Maroc régler des affaires internes mais le désordre en Andalousie le pousse à revenir. Il est néanmoins poussé par les fakihs à revenir, du fait des difficultés lors du siège à Aledo et surtout des divisions entre taifas qu'il considérait personnellement comme une honte pour l'islam. En 1090, un concile almoravide à Algésiras déclara la guerre aux reyes de taifasaccusés d'impiété. L'alliance de certains de ces derniers avec des princes chrétiens n'empêcha pourtant pas l'irrésistible avancée desAlmoravides à Al-andalus, qui s'acheva en 1094 avec la prise de Badajoz et l'impitoyable mise à mort d'Al-Mutawakil et de sa famille. Les victoires s'enchainent encore face au Cid retranché à Valence.
En 1106, après la prise de Valence et alors que les Baléares sont occupées, Youssef Ibn Tachfin décède et son fils, Ali Ben Youssefhérite du trône. Fils d'une esclave chrétienne affranchie, il devient par la même occasion maître d'un empire s'étendant du Tage au fleuveSénégal, des côtes algériennes à Tombouctou. Il nomme son frère Temyn gouverneur d'Al-andalus. Les armées almoravides défont Sancho, fils d'Alphonse VI lors du siège du château d'Uclès. Alphonse VI décèdera l'année suivante, en 1109. Ali revient alors enAndalousie et remporte les sièges de Madrid, Guadalajara et Talavera. À l'ouest, les armées almoravides poussent jusqu'à Porto, menaçant même les côtes galiciennes. À l'est, les Baléares servent de base logistique aux razzias menées contre Barcelone. Cependant, les innombrables exploits militaires ne parviennent pas à pallier le mécontentement ambiant en Andalousie où le fragile équilibre entre Mozarabes, juifs et Arabes est quelque peu rompu par la rigueur religieuse imposée par les conquérants. L'autodafé des écrits du très populaire Al-Ghazali ne fait qu'amplifier le malaise des élites culturelles, nostalgiques de l'âge d'or du califat omeyyade. La sollicitation par l'armée divine des milices chrétiennes de Reverter pour maintenir l'ordre au Maroc même est mal comprise par les tribus montagnardes du Haut-Atlas, de jour en jour plus mécontentes de l'autoritarisme almoravide.
Dynastie almohade
Mohammad Ibn Toumert, futur Mahdi et fils d'un amghar, chef de village de la tribu des Harga, dans le Haut Atlas. Très précocement animé par un zèle religieux, il entreprit dès sa jeunesse de multiples voyages l’amenant à visiter Baghdad, Le Caire et peut-être mêmeDamas où il découvre tout l'ampleur de la tradition musulmane, et notamment le soufisme. Rapidement, il entretient une profonde aversion pour l'étroitesse du malékisme régnant en maître en sa patrie. C'est en 1117 qu'il regagne le Maghreb, via Tripoli, puis Tunis et enfinBéjaïa où ses prêches pieuses galvanisent les foules. À Melalla, il se lie d’amitié avec leZénète Abd El Moumen. C'est en compagnie de ce dernier qu'Ibn Toumert d'Almohades (d'« Al-Muwahidûn », الموحدون), les Unitaires. C'est à Tinmel, au cœur de la très isolée vallée du N'fis, qu’il établit sa « capitale ». Ses prêches rencontrent un écho considérable et il clame ouvertement son intention de liguer toutes les tribus insoumises des montagnes contre les Almoravides. Son aura grandissante suscite de jour en jour davantage d'inquiétudes de la part des Almoravides qui lancent contre lui en 1121 une expédition militaire commandée par le gouverneur du Souss, Abou Bakr Ben Mohammed El-Lamtouni. L'expédition est littéralement écrasée. À la suite de cette déconvenue, ses désirs s'estompèrent un temps mais en 1127 (ou 1129), une nouvelle expédition parvint dans les contreforts du Haut-Atlas aux environs d’Aghmat dans l'espoir de frapper un grand coup en pays Hintata, fief de la doctrine « Unitaire ». Mais Abd El Moumen et El Béchir contrarièrent ce plan et profitant de l'effet de surprise, ils parvinrent même à assiéger ponctuellementMarrakech, capitale almoravide. Cependant, leurs faiblesses en combat de plaine les poussèrent à se retrancher en toute hâte (El Béchir mourut). Quelques mois plus tard, en septembre 1130, Ibn Toumert mourut.
Abd El Moumen succéda d'abord secrètement au fondateur de la secte et privilégia une politique d'alliance avec les tribus de l'Atlas. Pour ce faire, il joua non seulement de ses origines zénètes mais aussi de ce qui restait de cercles d'initiés qu'avait fondé son prédécesseur. Dès 1140, une intense campagne permet auxAlmohades de s'attirer les faveurs des oasis du sud. Taza puis Tétouan sont les premières grandes cités à tomber. À la faveur du décès d’Ali Ben Youssef en 1143, il s'empare deMelilla et d'Al-Hoceima, faisant ainsi du nord du Maroc sa véritable base logistique. La mort du redoutable Reverter en 1145 suivie la même année de celle de Tachfin Ben Ali permet auxAlmohades les prises respectives d’Oran, de Tlemcen, d'Oujda et de Guercif. S'ensuit ensuite le long et éprouvant siège de Fès qui durera la bagatelle de neuf mois durant lesquels Abd El Moumen se charge personnellement de prendre Meknès, Salé et Sebta. La conquête du Maroc s'achèvera finalement en mars 1147 par la prise de Marrakech, capitale du désormais déchu empire almoravide et dont le dernier roi Ishaq Ben Ali sera ce jour-là impitoyablement tué. Pour fêter cette victoire, Abd El Moumen fit bâtir la très célèbreKoutoubia sur les ruines de l'ancien Dar El Hajar.
De manière assez inédite, les premiers efforts militaires d'Abd El Moumen désormais « intronisé » se tournent vers l'est du Maghreb, sous la menace des Normands de Sicilemenés par Roger II (qui ont pris le contrôle de Djerba et Mahdia et menacent la prospèreBejaïa) et des cohortes bédouines (Banu Hilal) envoyées depuis Le Caire par les souverainsFatimides, furieux de voir Zirides et Hammadides échapper à leur contrôle. Les opérations lancées s'avèrent largement fructueuses puisque les bédouins sont complètement écrasés àBéjaïa puis Sétif en 1152. En 1159, une puissante armée terrestre est levée depuis Salé, secondée par une flotte de soixante-dix navires, obligeant les Normands à se retrancher surSfax et Tripoli. Ainsi l'empire Almohade s'étendait-il à la fin des années 1150 de l'océan Atlantique jusqu'aux portes de la Libye. En Andalousie la fin de la période almoravide a permis la résurgence des reinos de taifas et un regain de vigueur des Chrétiens. En 1144 ils prennent même le contrôle de Cordoue. À l'ouest, Lisbonne et Santarem sont prises également. Almeria est également prise par les Aragonais pour une décennie entière. Dos au mur, les taifas se voient obligés de faire de nouvel appel aux maîtres du Maghreb. Ainsi, avant même la prise de Marrakech par les Almohades, Jerez et Cadix s'offrent à ces derniers. Dans le sillage de la prise de Marrakech, des corps expéditionnaires permettent la conquête de tout le sud de la péninsule (Grenade, Séville, Cordoue ...) puis de Badajoz. En1157, Almeria est reprise. Abd El Moumen décèdera finalement en 1163 à Salé. Son fils Abu Yaqub Yusuf lui succède, d'abord reconnu à Séville puis à Marrakech. Il s'efforcera jusqu'à son décès en 1184 de régner en véritable « despote éclairé », soucieux de desserrer l'étau d'orthodoxie religieuse pesant sur le Maghreb. Sous son impulsion fleurissent des arts autrement plus épanouis que sous la dynastie précédente. L’architecture en particulier atteint un véritable âge d’or, se traduisant par la construction de la Giralda à Séville, fraichement honorée du statut de capitale andalouse, ainsi que de la Tour Hassan à Rabat (dont le minaret ne fut jamais achevé) et de la Koutoubia à Marrakech, toutes trois bâties sur un modèle sensiblement équivalent. Dans d’autres registres, le palais de l’Alhambraest érigé sur les hauteurs de Grenade et les Jardins de l'Agdal sont plantés à Marrakech (cf. l'article Art almoravide et almohade). C’est également sous les Almohades que vécut le brillant philosophe Averroès (de son vrai nom Ibn Rûshd ابن رشد) ainsi que Maïmonide qui ira néanmoins s’exiler au Caire afin de pouvoir pratiquer librement sa religion (il était de confession hébraïque). À la mort d’Abu Yaqub Yusuf, les Almoravides demeurés maîtres des Baléares s’en vont porter le glaive là où jadis sévissaient les Normands. Ils arrachentAlger, Miliana, Gafsa et Tripoli aux Almohades et subventionnent des tribus bédouines d’Ifriqiya qui s’en iront mener des razzias dans tout le Maghreb médian et descendront même jusque dans les oasis du Drâa. Matées par les vigilantes milices d’un certain gouverneur Abu Yusf, ces tribus bédouines seront par la suite sédentarisées dans l’ouest marocain, dans l’ancien pays berghouata où elles contribueront à l’effort d’arabisation des plaines du Gharb et de la Chaouia. Après la victoire d’Alarcos durant laquelle Alphonse VIII est battu par le souverain Abu Yusuf Yaqub al-Mansur, les derniers fauteurs de troubles Almoravides sont écrasés dans le sud tunisien. C’est l’âge d’or almohade.
Muhammad an-Nasir succède à son père en 1199. Le 16 juillet 1212, son armée de 200 000 hommes est mise en déroute par une coalition de près de 220 000 chrétiens venus deFrance, d’Aragon et de Catalogne, de León et de Castille. C’est la Bataille de Las Navas de Tolosa que l’histoire retiendra comme l’évènement charnière de la Reconquista. L’autorité des Almohades sur leur empire sera durablement affaiblie par cette débâcle, au point que leMuhammad an-Nasir renoncera à son trône l’année suivante, le cédant à son fils. À 16 ans,Yusuf al-Mustansir accède donc au trône. Dépourvu d’autorité, il voit rapidement le Maghrebmédian lui échapper. Il en va de même en Andalousie où le gouverneur almohade de Murcieréclame une régence et franchit le détroit pour le faire savoir. À Séville, Al-Mamoun fait sensiblement de même. Les taïfas renaissent de leurs cendres et imposent le malékisme. ÀMarrakech même les cheikhs souhaitent procéder à l’élection d’un nouveau calife, ne laissant d’autre choix au jeune souverain que la fuite pour un temps. Son fils, Abd al-Wahid al-Makhlu lui succède en 1223. Il mourra étranglé l’année même. Les cheikhs de Marrakech procèderont alors à l’élection d’Abu Muhammad al-Adil. Les Hafsides, du nom d’Abû Muhammad ben ach-Chaykh Abî Hafs, autrefois vizir de Muhammad an-Nasirdéclarent leur indépendance en 1226, sous l’impulsion de Abû Zakariyâ Yahyâ. La mort d’Abu Muhammad al-Adil marquera le début de l’ingérence du Royaume de Castille dans les affaires marocaines. Ferdinand III de Castille soutiendra Abu al-Ala Idris al-Mamun tandis que les cheikhs soutiendront le fils de Muhammad an-Nasir, Yahya al-Mutasim. C’est le premier qui prit pour un temps l’ascendant, parvenant à prendre Marrakech et à massacrer les cheikhs. Il renia la doctrine religieuse almohade au profit du malékisme et consentit en paiement de sa dette à construire l’église Notre-Dame de Marrakech en 1230. L’édifice fut détruit deux ans plus tard. En 1233, son fils Abd al-Wahid ar-Rachid reprit Marrakech et chassa de Fès les Bani Mari futurs Mérinides (ces derniers faisaient payer à la ville et à sa voisine Taza un tribut depuis 1216), permettant de réunifier le Maroc. En Andalousie, Cordoue tombe aux mains de Ferdinand III de Castille dès 1236. Valence lui emboitera le pas deux ans plus tard, puis ce sera au tour de Séville en 1248. Entre temps, Abu al-Hasan as-Said al-Mutadid parviendra à rétablir un semblant d’unité sur le Maroc mais accumulera les échecs face aux Mérinides dont l’avancée est irrésistible sur le Maroc septentrional. Pour une trentaine d’année, les Almohades survivront, recroquevillés sur la plaine du Haouz et payant un tribut à leurs voisins septentrionaux. En 1269, Marrakech tombe. En 1276, c’est au tour de Tinmel. Un siècle et demi plus tard, la boucle almohade est bouclée.
Au cours des croisades
Le califat almohade, sous le règne d'Abu Yusuf Yaqub al-Mansur, établit un partenariat stratégique avec l'Égypte du sultan Saladin. Le point d'orgue de cette relation est l'ambassade d'Abou al Harith Abderrahman Ibn Moukid envoyé par Saladin auprès de la cour deMarrakech. Cette mission se concrétise par la participation de la flotte marocaine aux opérations maritimes contre les Croisés (sur les côtes du Proche-Orient et en mer Rouge). Lors de la prise de Jérusalem par Saladin en 1187, l'établissement de Marocains y a augmenté36. Ils établirent ainsi un quartier qui porte le nom de « Quartiers des Marocains », détruit en 1967 ; des Palestiniens descendent de ces Marocains installés en Terre sainte36.
Dynastie des Mérinides
Contrairement aux deux dynasties précédentes, la montée en puissance des Mérinides n’est pas à mettre sur le compte d’une démarche personnelle associable à un individu mais plutôt à l’affirmation collective d’une tribu. L’autre rupture que marque l’accession au pouvoir des Mérinides est l’abandon du leitmotiv de la purification religieuse au profit d’une conception de la conquête du pouvoir plus classique, plus conforme à l’identité tribale des protagonistes.
La tribu en question est une tribu zénète dont les origines sont issues des Wassin38. Toujours est-il que les Beni Merin (ou Bani Marin) constituent tout au long du xiie sièclel’archétype d’une tribu berbère lambda, nomadisant entre le bassin de la Haute-Moulouya à l’ouest (entre Guercif et Missour) et le Tell algérien, au sud de Sidi bel Abbès à l’est. La première occurrence de la tribu des Beni Merin dans l'historiographie marocaine coïncide avec leur participation en tant que groupe à la bataille d'Alarcos (1196), bataille finalement remportée par le camp almohade. C’est à cette occasion que s’illustre Abd al-Haqq considéré comme le véritable fondateur de la dynastie mérinide. De retour au pays, la tribu retombe dans un anonymat relatif jusqu’à la cinglante défaite almohade de Las Navas de Tolosa à l’issue de laquelle les troupes Mérinides iront défaire 10 000 soldats almohades. À la suite de ce succès, les Mérinidess’installent temporairement dans le Rif, soutenus par des Miknassas sédentarisés au nord de Taza. Dès1216, ils se faisaient payer tribut par les cités de Fès etTaza. Les Almohades soucieux de restaurer leur autorité sur tout leur territoire lancent de nombreuses contre-offensives, le plus souvent vaines. C’est au cours d’une de ces manœuvres que décède Abd al-Haqq. Son fils Uthman ben Abd al-Haqq lui succède. Dès1227, toutes les tribus entre le Bou Regreg et la Moulouya ont fait allégeance aux Mérinides. En 1240, Uthman ben Abd al-Haqq décède, assassiné par son esclave chrétien. C’est son frère Muhammad ben Abd al-Haqq qui lui succède, assiégeant avec un succès relatifMeknès. Il décède en 1244, tué par des milices chrétiennes au service des Almohades. Au milieu de la décennie 1240, les troupes Almohades sont mises en déroutes à Guercif. LesMérinides s’engouffrent alors dans la très stratégique Trouée de Taza, tremplin qui leur permit d’entreprendre le siège de Fès en août 1248 et d’envisager la prise de toute la moitié nord du Maroc. Mais la moitié sud n’est pas en reste. Abu Yahya ben Abd al-Haqq ayant précédemment succédé joue des amitiés traditionnelles des Beni Merin avec les Béni-Ouaraïn du Moyen Atlas et d’autres tribus du Tafilalet pour contrôler les oasis et détourner les revenus du commerce transsaharien deMarrakech vers Fès, désignée comme capitale mérinide.
En 1258, Abu Yusuf Yaqub Ben Abd Al-Haqq succède à son frère enterré dans l’antique Nécropole de Chella qu’il avait commencé à réhabiliter39. Le début de son règne est marqué par une lutte avec son neveu qui réclamait la succession. Ce dernier parvient à prendreSalé. La situation à l’embouchure du Bou Regreg profite à la Castille qui prendra la cité en otage durant deux semaines. L’ouest du Riffut également en proie à de nombreuses insurrections Ghomaras tandis que Ceuta et Tanger étaient alors aux mains d’un sultan indépendant, un dénommé El Asefi. Rapidement le nouveau souverain exprima son désir d’en découdre rapidement avec les Almohadesretranchés dans le Haouz, l’est des Doukkala et une partie du Souss. Une première tentative en ce sens se solda par un échec en1262. Les Almohades pressèrent alors les Abdalwadides d’attaquer leurs rivaux Mérinides par surprise. Yghomracen, célèbre souverainabdalwadide fut défait en 1268. L’année suivante, Marrakech fut définitivement prise40.
Durant les années qui suivirent, il bouta les Espagnols hors de tous leurs établissements atlantiques jusqu’à Tanger. En 1276, Fès, nouvelle capitale du royaume se voit augmentée d’un nouveau quartier, à l’écart de l’ancienne ville, où se côtoient notamment le nouveaupalais royal et le Mellah. C’est Fès El Jedid. Globalement la ville connaîtra sous l’èremérinide un second âge d’or, après celui connu sous les Idrissides. Après la pacification totale du territoire et la prise de Sijilmassa aux Abdalwadides, le sultan franchit le détroit et tente de reconstituer la grande Andalousie musulmane des Almohades. Les entreprises espagnoles des Mérinides furent complexes mais n’accouchèrent que de peu de résultats concrets. À la suite du siège de Xérès, un traité de paix stipulant le retour de nombreux documents et ouvrages d’art andalous (tombés aux mains des chrétiens lors des prises deSéville et Cordoue) vers Fès. En 1286, Abu Yusuf Yaqub Ben Abd Al-Haqq décède àAlgésiras. Il est inhumé à Chella. Son fils Abu Yaqub Yusuf39, plus tard dit an-nāsr, lui succède et se voit confronté dès son intronisation à un durcissement des révoltes dans leDrâa et à Marrakech et à un désaveu de certains membres de sa famille, s’alliant tantôt avec les Abdalwadides ou les révolté. Il rendit Cadix aux Nasrides de Grenade en guise de bonne volonté mais 6 ans plus tard, en 1291, ces derniers, alliés aux Castillans dont ils sont les vassaux, entreprennent de bouter définitivement les Mérinides de la Péninsule Ibérique. Après quatre mois de siège, Tarifa est prise par les Castillans. Mais les yeux d’Abu Yaqub Yusuf an-Nasr sont plutôt rivés sur Tlemcen, capitale des éternels rivaux des Beni Merin que sont les Abdalwadides. Il se dirige vers Tlemcen à la tête d’une armée cosmopolite puisqu’essentiellement composée de mercenaires chrétiens (Castillans et Aragonais principalement), de Turkmènes Oghouzes et de Kurdes. Le siège durera 8 ans et se poursuivra jusqu’à l’assassinat du souverain, des mains d’un des eunuques de son harem, en 1307.
Jusqu’à l’avènement d’Abu al-Hasan ben Uthman en 1331, la dynastie est marquée par une forme de décadence dont les principaux symptômes sont la multiplication :
- Des querelles de succession
- Des révoltes populaires (des difficultés dans le Rif, à Ceuta et Tanger se surajoutèrent au climat insurrectionnel croisant àMarrakech et dans le Souss)
- Des révoltes militaires (c’est la première fois dans l’histoire du Maroc que les généraux de l’armée royale auront leur mot à dire dans la gestion des affaires royales).
En 1331 donc, Abu al-Hasan ben Uthman succède à son père, quelques mois seulement après avoir obtenu son pardon. Rapidement, l’obsession de ses aînés pour Tlemcen le rattrape. Il entame un nouveau siège sur la ville qui s’avèrera vain. Il évince ceux qui dans son entourage familial le jalousent mais sait faire preuve d’une grande dextérité dans sa gestion des ambitions tribales. Tlemcen tombe enfin en 1337. Abu al-Hasan ben Uthman est auréolé de gloire. Cette victoire lui ouvre la voie du Maghreb médian mais avant de s’engouffrer dans cette brèche ouverte en direction d’Ifriqiya, le souverain tient à venger la mort de son fils Abu Malik, surpris par lesCastillans après son succès à Gibraltar en 1333. La bataille de Tarifa, le 30 octobre 1340 se solde par une lourde défaite qui signera la fin définitive des ambitions marocaines en terre espagnole. Sept années plus tard, le sultan et ses armées parviennent à soumettre l’Ifriqiya. L’année suivante pourtant, les Mérinides essuient une cuisante défaite à Kairouan. L’écho de la déconvenue est grand, au point que nait et se répand une folle rumeur selon laquelle Abu l’Hassan serait mort au combat. À Tlemcen, Abu Inan Faris est alors intronisé. C’est de sa volonté qu’émanera la construction de la medersa Bou Inania de Fès. Il a d’ailleurs également parachevé la construction de la Medersa Bou Inania de Meknès, entamé par son aîné. Ce dernier tentera un vain retour via Alger puis Sijilmassa. Il est finalement défait et tué par les armées de son fils sur les rives de Oum Errabiaa. Abu Inan Faris, profondément chagriné par ce décès, tentera alors de faire asseoir son autorité sur l’ensemble du royaume, de nouveau fragilisé par la recrudescence des volontés insurrectionnelles. Il s’entoure à ces fins d’Ibn Khaldoun, penseur de génie et véritable précurseur de la sociologie moderne. Son neveu, maître de Fès, est exécuté, mais à l’occasion de ce déplacement au Maroc, c’est Tlemcen qui se soulève. Une intense campagne permet un certain regain de vigueur des Mérinides mais Abu Inan est étranglé des mains d’un de ses vizirs, un certain al-Foudoudi, le 3 décembre 1358, neuf ans seulement après son accession au pouvoir.
L’anarchie est alors à son paroxysme. C’est le premier grand déclin de la dynastie. Chaque vizir tente de porter sur le trône le prétendant le plus faible et manipulable. Les richesses patiemment accumulées par les souverains précédents sont pillées. Un premier prétendant venu de Castille parvient à se soustraire pour un temps à ce diktat des vizirs. Il s’appelle Abû Ziyân Muhammad ben Ya`qûb plus simplement appelé Muhammad ben Yaqub. Reconnu et acclamé dans le nord du Maroc, il règne à partir de 1362 sur un royaume dont seule la moitié nord (de la Tadla aux contreforts méridionaux du Rif) est demeurée loyale à l’autoritémérinide. Tout au long de son bref règne, il tentera de faire évincer un à un les vizirs jugés encombrants mais c’est des mains d’un de ces derniers, le grand vizir Omar, qu’il périra en1366. Omar désincarcère alors le fils d’Abu l’Hasan, Abu Faris Abd al-Aziz ben Ali ou plus simplement Abd al Aziz. Après avoir réussi le tour de force d’évincer bon nombre de vizirs dont celui qui l’a porté au pouvoir, il parvient à mater le pouvoir parallèle en place àMarrakech (pouvoir dit d’Abou l'Fadel, vaincu en 1368). Il parvient à asseoir son autorité en pays Hintata, puis dans le Souss et à Sijilmassa. En 1370, Tlemcen, où s’était reconstitué le pouvoir abdalwadide, retombe aux mains des Mérinides. Mais deux ans plus tard seulement, il s’éteint. Le royaume est à nouveau scindé en deux, les zaouïas prenant le pouvoir à Marrakech. La peste noire se fait dévastatrice.
S’ensuivent 21 années de déclin durant lesquelles se multiplient les intrigues dynastiques, les coups politiques des différents vizirs, les ingérences nasrides et de vaines tentatives de coups d’éclat militaires face à Tlemcen. Durant les deux périodes de déclin, la pratique de la course se développe, tant dans le nord, dans les environs de Tanger et Ceuta, que sur la côte atlantique.
En 1399, alors que le Maroc est en proie à une anarchie des plus totales, le roi Henri III de Castille arme une expédition navale destinée à annihiler la pratique de la course depuis Tétouan. En fait, la ville est non seulement mise à sac mais également totalement vidée de sa population (la moitié est déportée en Castille). En 1415, c’est au tour de Ceuta de tomber aux mains des navires de Jean Ier, roi duPortugal, lui aussi en croisade contre la course.
La dynastie mérinide connait un tragique déclin41. Abu Said Uthman ben Ahmad dit Abu Said succède à Abu Amir Abd Allah dans des circonstances troubles. Prince taciturne, il se tourne à nouveau vers Tlemcen. Mais le vent a tourné et Abou Malek, souverainabdalwadide, pétri de haine à l’encontre des maîtres de Fès, parvient à prendre la ville et impose un souverain fantoche. Les documents concernant cette période sont très flous et se contredisent. Toujours est-il que Abu Muhammad Abd al-Haqq succède à Abu Said alors qu’il n’a qu’un an (1421). Cette accession au trône appela bien sûr une régence. Les vizirs wattassides s’avèreront incontournables.
Wattassides (1471-1554)
Les Wattassides, Ouattassides ou Banû Watâs, sont une tribu de Berbères zénètescomme les Mérinides. Cette tribu, qui serait initialement originaire de l'actuelle Libye, était établie dans le Rif, au bord de la Méditerranée. De leur forteresse de Tazouta, entre Melilla et la Moulouya, les Beni Wattas ont peu à peu étendu leur puissance aux dépens de la famille régnante mérinide (voir l'article détaillé sur les Wattassides). Ces deux familles étant apparentées, les Mérinides ont recruté de nombreux vizirs chez les Wattassides. Les vizirs wattassides s'imposent peu à peu au pouvoir. Le dernier sultan mérinide est détrôné en 1465. Il s'en suit une période de confusion qui dure jusqu'en1472. Le Maroc se trouve coupé en deux avec, au sud, une dynastie arabe émergente, les Saadiens, et au nord un sultanat wattasside déclinant.
En 1472, les sultans wattassides ont perdu tous leurs territoires stratégiques et n'ont plus le contrôle du détroit de Gibraltar. Les Portugais prennent possession de Tanger en 1471 puis cèdent la ville à l'Angleterre en 1661 comme dot apportée par Catherine de Bragance à son époux Charles II d'Angleterre. Durant la domination portugaise (1471-1661, avec un intermède espagnol entre 1580 et 1640), Tanger constitue la capitale de l'Algarve d'Afrique, car il existe alors deux Algarves, celle d'Europe et celle d'Afrique, toutes deux considérées comme territoires relevant personnellement de ladynastie d'Aviz puis de la dynastie de Bragance (le roi du Portugal porte aussi le titre de roi des Algarves). Durant la domination anglaise, Tanger est une place forte stratégique, dotée d'un statut spécial et élisant des représentants à la Chambre des communes à Londres, mais l'entretien d'une garnison militaire importante se relève trop coûteux aux yeux de l'opinion anglaise42. Cela pousse Charles II à faire évacuer la place, qui est prise par les troupes marocaines du sultan Moulay Ismail en 1684.
Sous les règnes successifs d'Alphonse V, Jean II et Manuel Ier (période marquant l'apogée de l'expansion portugaise) l'Algarve africaine englobe presque tout le littoral atlantique marocain, à l'exception de Rabat et de Salé. Les Portugais contrôlent la portion côtière s'étendant de Ceuta à Agadir et à Boujdour, avec pour points de jalon les places fortes de Tanger, Asilah, Larache, Azemmour,Mazagan, Safi et Castelo Real de Mogador. Ces possessions forment des fronteiras, équivalent portugais des presidios espagnols, et sont utilisées comme escales sur la route maritime du Brésil et de l'Inde portugaise. Néanmoins la plus grande partie du Maroc portugais est reconquise par les Saadiens en 1541. La dernière fronteira de la Couronne lusitane est Mazagan, récupérée par les Marocains en 1769. Les Espagnols pour leur part s'attribuent la côte méditerranéenne avec les présides de Melilla et le rocher de Vélez de la Gomera, ainsi que la région de Tarfaya faisant face aux îles Canaries. Ils prennent également le contrôle de Ceuta à l'issue de la débâcle portugaise à la Bataille des Trois Rois qui se solde par l'Union ibérique (1580)43.
De cette époque émerge la figure étonnante de Mustapha Zemmouri, plus connu sous le nom d'Estevanico (ou Esteban le Maure), Marocain natif d'Azemmour revendu par les Portugais comme esclave à Andrés Dorantes de Carranza, et qui s'illustre par son exploration de l'Amérique du Nord dans les rangs des conquistadors espagnols au début du XVIe siècle.